Curiosités pantouflardes

LE GROSSETOEUF

(Ovum Paschale Guibolacum)

Présent en bordure de tous les cours d'eau affluents de la Guibole, le grossetoeuf n'est pas facile à repérer malgré sa relative fréquence. C'est en effet un expert du camouflage, un simple clignement des yeux lui permettant de se fondre dans son environnement de galets, dont il imite parfaitement les formes et l'aspect de surface.

Il faut souligner le phénomène assez unique de cette espèce, qui ne passe pas par une éclosion puis un stade animal mais reste au contraire sous forme ovoïdique de la ponte à la casse.

Le régime alimentaire des grossetoeufs reste totalement mystérieux mais est lié aux cours d'eau qu'ils remontent, comme les saumons, les plus imposants grossetoeufs se trouvant en amont, parmi les plus gros galets, alors que les plus petits se cachent parmi les gravillons.

Ils vivent en permanence au contact des eaux fraîches des torrents, ne s'en éloignant - fort peu - qu'en avril pour pondre dans les hautes herbes à proximité. Ils laissent alors un petit nid discret contenant de vingt à cinquante petits œufs multicolores que les pantouflards (leurs enfants surtout) tentent de découvrir le dimanche de Pâques.

En mars, saison des amours des grossetoeufs, l'acte reproductif est parfaitement audible par les chocs sourds et les motifs rythmiques répétés qui résonnent la plus grande partie de la nuit.

De jour à la même période, on peut espérer observer un adulte mâle, celui-ci se parant de couleurs pour séduire les femelles des environs. Ses poches sous les yeux et ses taches trahissent alors provisoirement sa présence à l'observateur attentif.

Le spécimen exposé ci-contre est donc d'une rareté absolue ! Nous remercions vivement le Muséum National d'Histoire Naturelle d'avoir accepté ce prêt et les assurances HOMLET&Cie de nous couver pour cette opération.

Service Culturel de l'Atelier Geppetina

Bureau de désinformation et de propagande


PIRANHA PYRENEEN

(Canularichthus Aprilis pyrenaeus)

Le nom de « piranha pyrénéen » s'est imposé dans le langage courant depuis que le terme gascon, qui signifiait littéralement « mâchouilleur », est sorti des usages. On peut regretter que ce vocable imagé se soit perdu alors qu'il traduisait au plus près le comportement réel de cet habitant des cours d'eau pyrénéens.

En effet, le piranha pyrénéen ne se jette pas en bancs frénétiques et voraces sur ses proies, comme le fait son redoutable cousin sud-américain. Notre hôte des tronçons calmes des torrents pyrénéens se contente de mâcher longuement des larves et des pousses tendres.

Ce caractère si placide s'explique certainement par sa mâchoire équipée non pas de dents pointues et tranchantes mais seulement de molaires.

Tout au plus relate-t-on deux ou trois attaques en groupe où les piranhas pyrénéens se seraient livrés à des suçons, les mollets de leurs proies étant trop gros pour être mâchouillés. Autant dire que les victimes, pour peu qu'elles aient réellement existé, s'en sont sorties sans séquelles.

La pêche au « mâchouilleur » n'est plus guère pratiquée tant elle est technique et exigeante, pour un résultat dans l'assiette très décevant. En effet, le piranha pyrénéen ne mord pas à l'hameçon, à la mouche ou à l'asticot. Il dédaigne les nasses et ronge sans pitié les filets. L'appât traditionnel qui éveille son intérêt est le caramel mou en bout de ligne lestée. Encore faut-il que celui-ci restent collant malgré la température des torrents pour adhérer aux dents du mâchouilleur et permettre ainsi de le tirer hors de l'eau.

Le spécimen présenté fut pêché avec la technique innovante du chewing-gum en remplacement du caramel mou, le lendemain du 31 mars 1944 dans l'Orteille, affluent principal de la Guibole, par un aviateur américain rescapé d'un parachutage allié ayant mal tourné. Récupérés, lui et sa prise, par la Résistance, ils furent l'un empaillé et l'autre exfiltré via l'Espagne jusqu'aux pénates de son père taxidermiste.

L'excellent état de conservation de cette pièce unique démontre la qualité du travail des taxidermistes de l'époque.

Service Culturel de l'Atelier Geppetina

Bureau de désinformation et de propagande