Pantoufle-sur-Guibole et sa vallée
Les ruines du château du Panard, à Pantoufle. (Photo H. Charentez)
Saint Savat, fondateur de Pantoufle. Vitrail provenant de l'abbaye, aujourd'hui placé dans l'église de Pantoufle. (Photo H. Charentez)
Professeur Jean-Bernard Grinchon, linguiste et anthropologue émérite de la faculté des sciences humaines et pyrénéennes Toulouse 3, spécialiste de la langue pantouflarde
Monographie de Pantoufle-sur-Guibole et sa vallée
Par Hubert Charentez, 1956. (Instituteur et secrétaire de mairie de Pantoufle de 1923 à 1962)
Géographie :
La Guibole naît de la confluence de l'Arpion et l'Orteille, deux cours d'eau impétueux dévalant les pentes boisées des sommets proches. À Pantoufle, son lit s'est déjà bien élargi. Le seul coude de la rivière se produit à Péronêt, après quoi la vallée reste quasi rectiligne jusqu'à la confluence avec La Culotte (au lieu-dit « Les Morpions ») qui conduit ses eaux à la Garçonne puis à l'océan.
La Guibole serpente assez paresseusement, il faut le reconnaître, dans sa vallée verdoyante avec quelques paysages remarquables à Genourède (ruines du château du XIe-XIIe) ou à Micuisse. Mais c'est à Pantoufle que la Guibole offre son plus bel écrin, avec les versants boisés de la Forêt Bleue, le château du Panard installé sur le verrou glaciaire surplombant la cité, les vestiges de l'abbaye de St Savat, les ruines gallo-romaines de Calcanéum près de Péronêt ou les thermes d'Entorse.
Le canal latéral de la Béquille emprunte un bras abandonné de la Guibole (!) et permet de naviguer en toute saison de La Culotte à Pantoufle. On évite ainsi la dangereuse cascade (Le Saut) qui accidente le lit de la Guibole à Tibiat. Au Saut du lit, on ne voit donc plus guère de pantouflards, ce qui se conçoit aisément.
Géologie :
Bon alors là, il y a un peu de tout dans tous les sens, et les géologues qui se penchent sur la question s'arrachent encore les cheveux, quand ils ne s'étripent pas entre eux. On approfondira donc le sujet quand les débats auront avancé.
Histoire :
Présence avérée de l'Homme au paléolithique supérieur comme en témoigne le résultat des fouilles de la Grotte Soulepié. Vestiges néolithiques au Mollet et à Péronêt. Dolmens de la Forêt Bleue et menhirs à Ritable et Montant.
Les fouilles entreprises au siècle dernier près de Péronêt ont mis à jour des vestiges gallo-romains (villas, temple, thermes et probable amphithéâtre) associés depuis à la mystérieuse civitas de Calcanéum, citée dans les textes mais jamais localisée auparavant.
La première mention historique concernant Pantoufle-sur-Guibole est la fondation d'un ermitage par Saint Savat (le t se prononce) au IVe siècle. Savat, originaire de la botte de l'Italie (Savatto, Savatone, Savatta selon les sources) est un ermite reconnu et bien établi là-bas quand il décide de venir évangéliser ce coin des Pyrénées. Il tombe sur un os, les païens indigènes étant peu réceptifs à ses enseignements, mais lance opportunément un pèlerinage sur l'os en question, la quatrième phalange du doigt de pied du milieu d'un certain J.C. L'affaire prend et un hameau grossit rapidement autour du sanctuaire.
Au VIe siècle, une abbaye est fondée et prospère quelques temps. L'abbé Chausson acquiert une certaine notoriété au IXe siècle, il est cité dans la charte Pantofolus pedibus caloris. Ses successeurs ne lui arriveront jamais à la cheville et l'abbaye périclite lentement.
À cette époque, la vallée fait partie de la Marche d'Espagne, elle est administrée par le Comte d'Emplâtre, mandaté par Charlemagne sur les conseils avisés de sa mère, Berthe aux-Grands-Pieds dont une partie de la famille serait originaire de la vallée.
Au cours de la haute période féodale, la vallée de la Guibole et ses habitants subissent les rivalités incessantes entre les comtes de Grampied et les barons de Genourède. En 1135 aurait eu lieu un affrontement entre le comte Ebon de Grampied et Roger de Genourède sous le château de ce dernier. La déroute s'abat sur les deux camps car les habitants de la vallée, lassés des querelles, jettent les protagonistes dans la Guibole en crue qui les évacue au loin. Dès l'année suivante, Raymond du Panard, seigneur de Pantoufle, accorde franchises et charte des communes qui laissent une large autonomie et la paix à la population. Les descendants de Raymond, devenus baillis, ne sortent plus guère du château du Panard, préférant bâillements au bailliage, et braillements occasionnels à la collecte des impôts.
Le château de Genourède, XIe - XIIe, et le hameau. A l'arrière-plan, la Forêt Bleue. (Photo H. Charentez, 1954)
La vallée se fait alors oublier pour quelques siècles : Pas de remous durant les guerres de religion, les prothèsetants ne trouvant aucun catholique assez convaincu pour se faire massacrer, et vice-versa. Au XVIIe, Jacques d'Espadrille est élevé au rang de Marquis d'Évarices et obtient la tutelle sur la vallée, mais il n'y mettra jamais les pieds, trop occupé à ses génuflexions à la cour royale. Il n'en tirera pas un rond non plus, d'après les registres communaux, ceci expliquant sans-doute cela.
La Révolution y fait long feu, les habitants manquant cruellement de nobles à détester ou d'évêques à haïr, bref, de monde à raccourcir.
Durant la campagne de Wellington en mars 1814, un de ses officiers, le général Bellyflop, mène une expédition vers la vallée. Il franchit la Culotte, remonte le long de la Guibole pour mettre au pas d'hypothétiques troupes napoléoniennes qu'il pense repliées à Pantoufle. Parvenues à Guily-et-Guîlit, ses troupes perplexes se replient brusquement, hilares, sans qu'on sache exactement quelles sont les causes de cette déroute. Le général Bellyflop ne cite pas l'événement dans son autobiographie pourtant détaillée et seule la mémoire populaire témoigne encore de cet épisode.
La révolution industrielle ne marque pas non plus les hommes et la région de son empreinte. Pas de charbon de bois, de mines ou de hauts-fourneaux, ce qui laisse penser que la Forêt Bleue est la seule et dernière forêt primaire d'Europe ! Il faut attendre la fin du XIXe siècle pour qu'une usine de brodequins fourrés à la laine d'isards s'installe à Pantoufle. La production restera toujours confidentielle malgré les efforts de son fondateur Pierre-Henri Tatane pour développer le marché.
Le grand nom de la vallée, c'est celui de son neveu Charles-Etienne Falzar, revenu amputé d'une jambe de la Grande Guerre, qui mène de longues recherches sur le pantalon à fuseau unique, sans aboutir dans ce domaine. Mais il découvre par hasard, à cause d'une erreur de mesure, le concept du pantacourt. Malheureusement, cette idée maîtresse, trop en avance sur son temps, ne rencontre pas son public et Charles-Etienne Falzar finira ses jours dans le dénuement, à découvert, affecté en outre d'une vilaine gangrène de la rotule sur la jambe qui lui reste, vraiment pas de chance ! Il n'en fait pas moins, aujourd'hui que le pantacourt a le succès qu'on connaît, la fierté de tous les Guibolains.
Carte de la Vallée de la Guibole
probablement éditée entre 1745 et 1757
archives de la maison d'édition parisienne Guenon
Le canal latéral de la Guibole n'est bien sûr pas présent sur la carte, sa construction ayant débuté durant la deuxième moitié du XIX siècle.
Remerciements chaleureux aux descendants de H. Charentez pour l'autorisation de reproduction et de publication de leurs précieux documents, et en particulier la Monographie de Pantoufle-sur-Guibole ci-dessus.